Chronique 36 : Attention au péché par omission

 

Bien-aimés dans le Seigneur,
paix et joie à vous de la part de Jésus-Christ
notre Unique Sauveur 
!

Le mal non dénoncé et non combattu finit par broyer ses complices ou témoins passifs dans sa dynamique aveugle et dans son cycle infernal. Au bout du rouleau, le bien non accompli finit, lui aussi, par infliger à notre conscience la brûlante morsure du regret ou du remords, à défaut de se retourner contre nous.

On connaît tous la matérialisation des trois singes par nos sculpteurs : l’un ne veut rien voir, l’autre ne veut rien dire et le troisième ne veut rien entendre. Dans la culture asiatique, elle désigne les singes de la sagesse : ne pas voir le mal, ne pas dire du mal et ne pas entendre le mal. D’autres courants ajoutent un quatrième singe qui croise les bras pour ne pas faire le mal. Dans le sens originel, les actions à ne pas accomplir sont toutes centrées sur le mal. Mais dans notre contexte, beaucoup y voient plutôt une invitation à l’inaction, à l’érection d’une tour d’ivoire dans laquelle l’on pourrait se réfugier pour éviter toute interaction sociale capable de générer des problèmes. Ce serait même le secret du bonheur et de la tranquillité, surtout dans les familles et sociétés africaines où l’on peut facilement s’attirer des ennuis pour avoir dit pour avoir su où pour avoir fait ceci ou cela. Cette attitude aboutit au silence et à l’indifférence face au mal sous toutes ces formes. Est-ce possible pour le chrétien d’adopter une telle attitude ? La réponse est certes non !

La première raison réside dans le fait que cette attitude pourrait arranger sur le moment, mais pas sur la durée. En effet, le mal non dénoncé et non combattu finit par broyer ses complices ou témoins passifs dans sa dynamique aveugle et son cycle infernal. Au bout du rouleau, le bien non accompli finit, lui aussi, par infliger à notre conscience la brûlante morsure du regret ou du remords, à défaut de se retourner contre nous.

La deuxième raison est que l’inaction ou l’indifférence face au mal ou au bien à faire coïncide avec le péché par omission. En effet, le chrétien pèche par la pensée, par la parole, par l’action et aussi par omission. Pour rappel, pécher par omission, c’est ne pas faire le bien qu’on pouvait ou qu’on devait faire, par négligence, indifférence, ressentiment, paresse ou peur. La définition de saint Jacques est claire et limpide. Elle ne souffre d’aucune ambiguïté : « être en mesure de faire le bien et ne pas le faire, c’est un péché. » (Jc 4,17). Le Christ a mis la foule en garde contre ce type de péché à travers les paraboles de l’homme riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31), du prêtre et du lévite qui passèrent de l’autre côté, abandonnant à son triste sort, l’homme tombé aux mains des bandits sur la route de Jéricho (Lc 10, 25-37) et finalement dans le texte du jugement dernier : « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25, 45).

La troisième raison prend fait et cause pour l’identité et la mission essentielles du chrétien : « vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Le chrétien est fondamentalement le témoin du Christ, Chemin, Vérité et Vie ; il est celui dont la présence et l’existence attestent, permet de constater, de repérer ou de vérifier le Règne de Dieu instauré par le Christ à travers le mystère de sa Passion-Mort et Résurrection. Ce n’est certainement pas le fruit d’un heureux hasard si l’étymologie grecque du mot « témoin » « marturos » (μάρτυρος ) est partie lier avec le martyr, en d’autres termes, la souffrance et même la mort pour la cause du Christ.

De tout ce qui précède, il ressort que le chrétien, à la suite et au nom du Christ, Chemin, Vérité et Vie, ne peut se réfugier dans l’inaction et l’indifférence face aux injustices, aux mensonges, à la fausseté ou aux facteurs et vecteurs de la mort dans l’espace familial, sociétal ou ecclésial.

 

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

Diocèse de Porto-Novo