Chronique 42 : Deux oreilles pour une seule bouche

A l’ère des réseaux sociaux, la parole est rapidement générée et partagée à une vitesse vertigineuse. L’homme contemporain parle bien plus qu’il n’écoute. Ainsi, faute d’une oreille attentive pour les écouter au cœur de leurs tourments, des vies ont été brisées, ruinées ou anéanties. Pour cela, redécouvrir et développer l’écoute devient aujourd’hui, une exigence vitale. Mais comment ?

 

Comme s’il avait anticipé le déficit d’écoute qui pourrait naître chez l’être humain, le Divin Créateur a doté ce dernier de deux oreilles pour une seule bouche. L’homme devrait écouter deux fois plus qu’il ne parle. Pourtant, dans notre société saturée par toute sorte de bruits, l’homme contemporain parle bien plus qu’il n’écoute. Et dans cette perspective, il donne parfois raison à Stephen Covey, qui affirmait : On n’écoute pas pour comprendre, on écoute pour répondre. Voilà qui résume bien la suprématie du parler sur l’écoute. En effet, à l’ère des réseaux sociaux, de l’information en continu, des messageries instantanées, la parole – ou du moins sa version numérique – est facilement générée et partagée à une vitesse vertigineuse : posts, likes, commentaires et réactions.

L’être humain communique toujours plus, mais écoute de moins en moins. La qualité de la réception ou de l’écoute s’effrite de plus en plus : zapping, lecture rapide ou en diagonale, écoute distraite par d’autres activités menées simultanément, réponses spontanées. Même dans les échanges interpersonnels, il n’est pas rare que l’on coupe la parole à l’interlocuteur, que l’on essaie de deviner (souvent à tort) la fin de son récit ou même de proposer des solutions avant qu’il n’ait fini de poser son problème. Il faut oser le reconnaître. Beaucoup de vies ont été brisées ou anéanties faute d’une oreille attentive pour les écouter au cœur de leurs tourments.

Il devient donc urgent de redécouvrir l’écoute active, cette posture d’ouverture et de présence totale à l’autre. Elle est aujourd’hui une exigence fondamentale et vitale pour l’épanouissement de l’homme moderne. Écouter activement, c’est valoriser l’autre, c’est lui redonner sa pleine dignité humaine. Cela suppose disponibilité, silence intérieur et extérieur, attention sincère au discours de l’autre dans ses dimensions verbale, non-verbale et para-verbale.

Mais avant d’écouter les autres, il nous faut d’abord apprendre à nous écouter nous-mêmes. Notre cœur, notre conscience et notre corps nous parlent. Encore faut-il leur prêter l’oreille. Le bonheur commence par la réconciliation avec soi-même, l’harmonie intérieure qui naît du silence volontaire et apaisant, capable de faire émerger les véritables besoins, les aspirations profondes mais aussi les nombreuses blessures à panser.

Vient ensuite l’écoute de la nature qui parle son propre langage : le chant des oiseaux, le vent dans les arbres, les vagues de la mer, le ruissellement de l’eau… Même le silence de la nature est plein de sens. Il contient des réponses à nos préoccupations que le tumulte du quotidien empêche d’entendre. L’homme qui sait écouter la nature est aisément conduit à contempler Dieu, le Créateur du monde visible et invisible.

Enfin, la Bible ne cesse de rappeler l’importance de l’écoute qui est souvent liée à l’obéissance à Dieu. Le peuple d’Israël est sans cesse invité à écouter Dieu : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur (Dt 6, 5). Ou bien : Si tu écoutes la voix du Seigneur ton Dieu (…) tu vivras (Dt 30, 10-16). À la Transfiguration, la voix du Père se fait entendre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le (Luc 9, 35). Et Jésus lui-même ajoute : Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent (Luc 11, 28). Pour avancer concrètement sur le chemin de l’écoute, il faut :

  1. S’écouter : Pratiquer régulièrement des exercices de concentration, de respiration profonde dans le silence d’un lieu calme. Cela permet de faire émerger nos véritables besoins, nos motivations profondes et de déposer les fardeaux trop lourds à porter.
  2. Écouter la nature : S’adonner à des marches silencieuses à la plage, dans la forêt, dans un jardin ou tout lieu approprié afin de se reconnecter à la nature.
  3. Écouter les autres : Cultiver l’écoute active dans nos relations interpersonnelles en famille, en société ou en politique. Savoir se taire et mettre entre parenthèses nos réponses toutes prêtes pour vraiment accueillir la parole de l’autre.
  4. Écouter Dieu : Prendre le temps de la prière, de l’oraison et de la méditation dans le silence intérieur et extérieur pour écouter Dieu qui nous parle toujours.

Nous avons deux oreilles pour une bouche : Parlons moins, écoutons mieux notre être profond, la nature, le prochain et Dieu lui-même! Nous y gagnerons beaucoup !


A jeudi prochain, si Dieu le veut !

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

Diocèse de Porto-Novo