Excellences, Mesdames et Messieurs, Présidents de différentes institutions de la République,
Hautes Autorités politico-administratives de la République,
Distingués invités en vos rangs, grades et qualités respectifs,
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Nous sommes réunis ce jour, dans cette église paroissiale de saint Michel de Cotonou, pour rendre grâce à Dieu, à l’occasion de la fête de l’indépendance nationale de notre pays, le Bénin. Notre présence ici ce soir est significative à plus d’un titre : nous voulons, en tant que fidèles du Christ, responsables et autorités à divers niveaux de notre pays, rendre grâce à Dieu pour les multiples bienfaits dont il ne cesse de nous combler, et nous en remettre à Lui. A travers cette démarche de foi, nous voulons non seulement reconnaitre notre insignifiance devant la Toute-puissance de Dieu mais aussi le louer, le bénir et lui confier l’œuvre immense de la gouvernance de notre pays qu’il nous a confiée.
De ce point de vue, l’exhortation du psalmiste dans le psaume responsorial de ce jour nous concerne plus particulièrement : « Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! Je veux louer le Seigneur tant que je vis, chanter mes hymnes pour mon Dieu tant que je dure. Ne comptez pas sur les puissants, des fils d’homme qui ne peuvent sauver ! Leur souffle s’en va : ils retournent à la terre ; et ce jour-là, périssent leurs projets. Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob ». Dans l’œuvre d’édification de notre pays, nous sommes appelés à toujours nous reconnaitre entièrement dépendants de Lui et à savoir Lui en rendre compte à tout moment. C’est notre manière de le louer, le bénir et implorer ses grâces en vue d’une action plus pertinente.
En cette année où nous célébrons le 62ème anniversaire d’indépendance de notre pays, l’image de l’argile dont parle la première lecture est très évocatrice. Elle nous permet de nous demander : comment façonnons-nous notre pays ? Peut-on dire que le monde, et plus particulièrement notre Nation est façonnée selon le dessein de Dieu, selon les valeurs de l’Évangile et dans la perspective du Royaume des cieux ?
Un regard rétrospectif nous permet de voir comment l’histoire de notre pays a été marquée par de grands moments où la joie de vivre ensemble et d’aborder l’avenir avec espérance était partagée par plus d’un. Au nombre de ces grands rendez-vous de l’histoire, je voudrais mentionner, le 1er Août 1960, qui a vu notre pays accéder à la souveraineté internationale. Après trois décennies, la Conférence des Forces Vives de la Nation a, elle aussi, marqué l’histoire de notre pays par la profondeur d’un dialogue constructif et le patriotisme qu’elle a suscité. Cette Conférence de février 1990 a surtout relancé incontestablement notre marche pour la construction d’une nation plus démocratique, pourvue d’institutions stables, capables de garantir le respect de la hiérarchie des normes juridiques et l’épanouissement de tous les citoyens.
Après une trentaine d’années de marche démocratique, je pense que nous allons vivre la prochaine célébration de la fête de l’indépendance comme un autre rendez-vous important de l’histoire de notre pays. Je pense que cette célébration a une certaine importance parce qu’elle se situe aux lendemains d’une double crise sanitaire et politique. De plus, depuis quelques mois, le retour des « trésors royaux » provoque chez nos compatriotes, une joie historique qui mérite d’être soulignée.
Au regard des défis qui nous sont lancés et dans l’effort de poursuivre notre action visant à toujours façonner notre nation, je crois qu’il nous faut d’abord être tous animés par un sentiment d’espérance. Ce sentiment m’anime si profondément que je fais de l’appel à l’espérance le premier point de notre méditation de ce jour. Cet appel s’enracine d’ailleurs dans la première lecture qui nous est proposée. Le prophète Jérémie, envoyé, bien souvent, pour interpeller vivement le peuple afin qu’il se convertisse est, cette fois-ci, invité par le Seigneur à faire naître l’espérance dans les cœurs des fils d’Israël. Il est invité à voir, chez le potier, comment le Seigneur est capable de redonner vie à son peuple. Convaincu par ce qu’il a vu, le prophète Jérémie devra le proclamer au peuple afin qu’il reprenne des forces neuves.
Le message que le Seigneur adresse à son peuple semble bien s’harmoniser avec les derniers développements de l’actualité dans notre pays. Qu’il vous souvienne que nous avons traversé des mois d’épreuves au point de craindre véritablement pour l’avenir de notre pays. À l’heure actuelle, tout n’est peut-être pas encore réglé, mais je voudrais déjà bénir le Seigneur pour cette décrispation qui naît au sommet de l’État. C’est avec une profonde joie et une grande espérance que je la porte à l’autel du Seigneur en priant pour que le dialogue amorcé nous mène jusqu’aux horizons de la communion et du développement intégral. Que ce dialogue s’étende aux différentes composantes du pays afin que, tous nos compatriotes trouvent leur place autour de la jarre trouée qui symbolise admirablement l’unité à toujours défendre et sauvegarder dans notre pays .
Au palais de la présidence de notre pays, le samedi 19 novembre 2011, le pape Benoit XVI avait lancé un vibrant appel aux autorités politiques, administratives et aux responsables religieux. Il disait en effet : « Ne privez pas vos peuples de l’espérance ! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse ! ».
Cet appel garde toute sa pertinence dans notre contexte actuel et nous encourage à prendre l’engagement de poursuivre le dialogue dans la vérité et la charité, avec bienveillance. Cet appel invite les différents acteurs politiques à ne pas saboter la joie qui naît dans les cœurs de tant de Béninois quand ils voient les ténors politiques se rencontrer afin de dialoguer dans le plus grand intérêt de la Nation. Oui, chers frères et sœurs dans le Christ : « La haine est un échec, l’indifférence une impasse, et le dialogue une ouverture ! » L’appel du pape Benoit XVI, nous invite tous à prendre l’engagement, dans cette église paroissiale, d’être partout, des artisans de paix qui construisent ensemble notre unique patrie.
L’image de l’argile utilisée dans la première lecture est particulièrement expressive parce que le caractère adhésif de l’argile nous éveille à la nécessité de nous donner effectivement la main pour faire de notre pays un vase honorable. C’est en construisant ce pays avec la sagesse qu’offre l’Évangile du Christ que nous pourrons accéder au Royaume des Cieux. Le Seigneur qui nous fait un clin d’œil par sa Parole de ce jour attend beaucoup de chacun d’entre nous pour qu’advienne son Règne de paix sur notre terre béninoise.
Au deuxième point de notre méditation, je voudrais rappeler à tous les baptisés ici présents l’enjeu du Royaume des Cieux. Dans les textes évangéliques, Jésus utilise de nombreuses paraboles pour éveiller notre intelligence à son existence et nous aider à toujours rester sensibles à la nécessité d’y accéder. Après avoir présenté deux paraboles accessibles à ceux qui l’écoutent, Jésus manifeste dans la page d’évangile de ce jour combien il a soif que les hommes saisissent le contenu de son message. Il leur demande : « Avez-vous compris tout cela ? »
Pour la première parabole, Jésus utilise une image du monde halieutique, très accessible aux pêcheurs et aux mareyeuses qui l’écoutent. En méditant cette parabole aujourd’hui, nous redécouvrons la patience de Dieu qui laisse aux hommes un temps de conversion. De fait, le tri n’intervient qu’à la fin de la pêche. Mais cette parabole nous rappelle aussi, qu’il y a un jour sans lendemain où les méchants seront jetés dans la fournaise – et le texte le précise – « là, il y aura des pleurs et des grincements de dents ».
Plusieurs indices nous donnent de constater que les hommes de notre temps ne craignent plus cette fournaise où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Ils sont même indifférents à l’existence du Royaume des Cieux et veulent construire la terre comme si le ciel n’était pas la consolation voulue par le Seigneur pour nous apaiser de nos labeurs et de nos peines. Il se fait malheureusement que de nombreux baptisés se laissent aussi prendre à ce piège.
Frères et sœurs dans le Christ, le Royaume des Cieux est comme un but fixé, un terminus ad quem qui évite à tout baptisé de naviguer à vue. Il permet par exemple aux chrétiens engagés en politique de construire leur pays à la lumière de l’Évangile en évitant de se laisser mener sur des chemins sans issues (proposés par des lobbies).
À tous les baptisés, venus participer à cette eucharistie, à tous les chrétiens engagés dans la société ou en service au sommet de l’État, je voudrais solennellement rappeler cette interpellation que saint Grégoire le Grand formulait justement en montrant que le Royaume des Cieux est le but de notre marche terrestre. Il disait en effet : « si l’on désire se rendre à un endroit qu’on s’est fixé, aucune difficulté ne peut changer ce désir. Aucune prospérité flatteuse ne doit nous en détourner; il est fou, le voyageur qui, apercevant sur sa route de gracieuses prairies, oublie le but de son voyage ». Chacun de nous est appelé à faire un examen de conscience qui lui permet d’identifier ce en quoi, il a oublié le but de son voyage.
Le pouvoir aveugle avec facilité mais il est possible de l’exercer en visant la sainteté à laquelle tout baptisé est appelé. Il est possible de garantir, au sommet de l’État, les repères que nous donne l’Évangile du Christ. Dans l’histoire de l’Église, nous avons eu des modèles d’hommes d’État qui ont forcé l’admiration par leur vie chrétienne et par la sagacité avec laquelle ils ont construit leur pays.
Je voudrais citer en exemple saint Louis de Poissy et saint Henri. Le premier était roi de France et le second, empereur germanique. Tous deux, ils ont brillé par leur gestion évangélique de la cité. Un autre exemple, plus proche de nous, est celui du Président Julius Nyerere, père de l’indépendance tanzanienne, dont la cause de béatification est introduite auprès du Vatican. Deux points majeurs ont marqué la vie de cet homme politique : le respect au quotidien des principes de vie chrétiens, et l’influence de sa foi sur sa carrière politique. Chers cadres et personnalités politiques, je viens vous prier de les prendre pour modèles. Je viens vous prier d’imiter leur sagesse et leur discernement.
Au troisième point de notre méditation de ce jour, je voudrais aborder le discernement comme levier pour le développement intégral de notre pays. Nos autorités politiques et administratives actuelles ont le mérite de considérer le développement de notre pays comme une urgence. Elles ont engagé de multiples réformes dont certains fruits sont déjà visibles. Tout en leur manifestant ma reconnaissance pour les résultats obtenus, je voudrais constater que nous pouvons poursuivre cet objectif avec plus de discernement et viser surtout le développement intégral de l’homme et de tout l’homme.
La deuxième parabole de la page d’évangile de ce jour évoque le discernement comme un sentier qui donne accès au Royaume des Cieux. Jésus compare tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux à un maître de maison qui discerne. Il tire de son trésor du neuf et de l’ancien. Ce discernement est essentiel aujourd’hui pour que dans les discours qui se tiennent, nous soyons plus précis dans la distinction entre le culturel et le cultuel. Il est vital pour que nous percevions plutôt dans nos langues, nos arts vestimentaires, culinaires, musicaux, décoratifs… le véritable héritage culturel que nos parents nous ont légué. Cet héritage mérite d’être reconnu et promu.
L’image du maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien doit aussi inspirer nos choix pour le vote des lois et leur application dans notre pays. Ce n’est pas, de toute évidence, en copiant les choix légaux des pays qui ont perdu tout repère éthique que nous deviendrons une grande nation. Nous ferons honneur à notre Nation en visant surtout le développement intégral qui considère l’enfant à naître, le nourrisson, le jeune et l’adulte comme des fins et jamais comme des moyens. De ce point de vue, l’héritage que nous ont laissé nos parents a aussi besoin d’être sauvegardé et promu.
Je sais qu’il n’est pas toujours aisé de faire des choix politiques qui respectent fondamentalement l’éthique et l’Évangile, c’est bien la raison pour laquelle j’invite tous les chrétiens à toujours prier pour les autorités politiques et administratives de notre pays et du monde. Cette célébration de la fête de l’indépendance du Bénin fera date surtout si, les nombreux chrétiens que nous avons au service de notre pays actuellement poursuivent sa construction en veillant effectivement à être sel de la Terre et Lumière du monde.
Que par l’intercession de tous les saints, nous puissions aussi cheminer ensemble vers le Royaume de Dieu, dans l’espérance et l’engagement ferme à toujours veiller à construire, avec discernement et sous la conduite du Saint Esprit, l’unité de notre Nation. Que le Seigneur nous en accorde la grâce, Lui qui vit et règne, maintenant et pour les siècles des siècles, Amen.