Chronique 22 : Drame de Dassa-Zoumè, par-delà la tristesse

Bien-aimés dans le Seigneur,
paix et joie à vous de la part de Jésus Christ
notre Unique Sauveur 
!

Le grave accident de bus survenu à Dassa-Zoumè le 29 janvier 2023 qui vient clôturer un mois de janvier particulièrement émaillé de cas d’accidents mortels sur nos axes routiers a infligé une douche froide à nos secrètes illusions d’immortalité ou de maîtrise de notre destin. L’émotion et la douleur suscitées en nous ont été à la mesure de la violence des flammes, de l’horreur du bilan et de l’hyper-couverture médiatique rendue possible par les réseaux sociaux numériques. Eu égard au caractère diversifié et transversal du profil des victimes, l’on parvient à la conclusion que voici : « nous sommes tous fragiles devant la mort ! ». En nous inclinant devant la mémoire des victimes, nous présentons nos vives condoléances aux familles touchées et relayons ici l’appel de la Conférence Episcopale du Bénin à faire monter des prières et à célébrer des messes pour la béatitude éternelle des morts et la prompte guérison des blessés.

Par-delà la tristesse et l’émotion, cette tragédie soulève en nous de légitimes questions :

  • Si Dieu n’est pas la cause de ce malheur, pourquoi l’a-t-il tout au moins permis ?
  • À quoi bon faire des projets puisque la vie est si fragile et la mort tellement absurde ?
  • Que peut et doit faire l’homme pour que cela ne se répète plus ?
  • Comment le chrétien peut-il vivre la mort d’un parent survenue dans de pareilles circonstances ? C’est à la dernière question que nous voudrions nous intéresser dans cette chronique.

En effet, la gestion de l’événement de la mort constitue un défi important dans la vie des sociétés humaines. Dans la perspective de la conception vitaliste qui le caractérise, l’africain, selon Louis Vincent Thomas croit que « la vie n’est qu’un passage, le pays des morts étant celui d’où tout homme vient et où tout homme retournera. L’existence alors transcende la vie temporelle, dans une conception cyclique, où l’on ne meurt que pour survivre » (Thomas 1984, 746). La mort est perçue comme « une transition », « un passage », « un voyage » vers le monde des ancêtres. Les rites funéraires sont destinés à accompagner le décrochage du défunt du monde des vivants et l’accès au monde des morts. Seulement que les rites funéraires sont grandement déterminés par les circonstances de la mort et sont affectés d’un coefficient de gravité et de spécificité quand il s’agit des « mauvaises morts » selon la conception africaine.

Faudrait-il le rappeler, la « bonne mort » est celle d’une personne qui décède paisiblement, rassasiée d’années chez lui, entourée des siens. Par contre, les « mauvaises morts » concernent d’une part les morts subites et violentes par accident, par noyade, par le feu, par la foudre et d’autre part les morts anormales comme celles de la femme enceinte, de la femme parturiente ou enfin de l’initié durant la période de retraite. Ces deux catégories subsistent-elles à l’identique dans le christianisme ?

De toute évidence non ! En subissant une mort très violente lors de sa passion pour vaincre la mort et en ressuscitant pour nous rendre la vie, le Christ a assumé toutes les catégories de morts pour les transformer en chemin vers le Père à condition qu’elles soient vécues en lui. « Heureux, dès à présent, les morts qui meurent dans le Seigneur. Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs peines, car leurs actes les suivent ! » (Ap 14, 13). Et c’est pour cela que le Seigneur demande expressément au chrétien de veiller : « Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » (Mt 24, 44). La vie chrétienne s’apparente alors à une veille permanente pour demeurer dans la communion avec Dieu et le prochain. Dans une telle perspective, la « mauvaise mort » est celle qui survient alors que l’on est loin du Seigneur, englué jusqu’au cou dans le péché, en profond désaccord avec Dieu et naturellement avec le prochain. Cette mort-là est à redouter parce qu’elle conduit à la « mort éternelle » qui nous séparera définitivement de Dieu. « De la mort éternelle, délivre-nous, Seigneur ! », disons-nous dans la litanie des saints. Le chrétien qui meurt dans des conditions violentes ou tragiques n’a pas besoin de rites funéraires différenciés ou spécifiques, car comme le dit Saint Paul, « dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. » (Rm 14, 8b).

Pour finir, reprenons souvent cette prière du Cardinal de Bonald pour demander la grâce d’une « bonne mort » au sens chrétien du terme :

« Prosterné devant le Trône de votre adorable Majesté, je viens Vous demander, ô mon Dieu, la dernière de toutes les grâces, la Grâce d’une bonne mort. Quelque mauvais usage que j’aie fait de la vie que Vous m’avez donnée, accordez-moi de la bien finir et de mourir dans votre Amour. Que je meure comme les saints Patriarches, quittant sans regret cette vallée de larmes, pour aller jouir du repos éternel dans la véritable Patrie ! Que je meure comme le Bienheureux saint Joseph, entre les bras de Jésus et de Marie, en répétant ces deux noms que j’espère bénir pendant toute l’éternité ! Que je meure comme la Très Sainte Vierge, embrasé de l’amour le plus pur, brûlant du désir de me réunir à l’unique objet de mes affections ! Que je meure comme Jésus sur la Croix, dans les sentiments les plus vifs de haine pour le péché, d’amour pour mon Père céleste, et de résignation au milieu des souffrances ! Père saint, je remets mon âme entre vos Mains : faites-moi Miséricorde. Jésus, qui êtes mort pour mon amour, accordez-moi la Grâce de mourir dans votre Amour. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour moi, pauvre pécheur, maintenant et à l’heure de ma mort. Ange du ciel, fidèle gardien de mon âme, grands Saints que Dieu m’a donnés pour protecteurs, ne m’abandonnez pas à l’heure de ma mort. Saint Joseph, obtenez-moi, par votre Intercession, que je meure de la mort des justes. Ainsi soit-il. »[1]

[1] Cardinal de Bonald in Abbé Herbert, L’Imitation de Jésus-Christ exprimée en méditations affectueuses, 1839.

 

 

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

Diocèse de Porto-Novo