Chronique 39 : Le prêtre catholique, un mystère !

Bien-aimés dans le Seigneur,
paix et joie à vous de la part de Jésus-Christ
notre Unique Sauveur 
!

 

Le prêtre catholique est un véritable mystère ! On se tromperait gravement à voir en lui, exclusivement l’humain ou uniquement le divin. Tant pour le prêtre lui-même que pour le fidèle, il en ressort une quadruple exigence ou implication à découvrir dans ce texte.

Beaucoup le croisent sur les chemins de leur vie, parlent avec lui et même de lui, sans réellement le connaître. Le prêtre catholique – et la précision est de taille par les temps qui courent – est un véritable mystère ! S’il partage dans ses lettres de noblesse comme dans ses titres de fragilité, l’humanité de ses frères et sœurs, il est appelé à incarner pour ces derniers, le Christ, le Fils unique de Dieu fait chair pour sauver l’humanité. On se tromperait gravement à voir en lui, exclusivement l’humain ou uniquement le divin. Le prêtre est un pontife, étymologiquement un bâtisseur de pontsentre l’homme et Dieu. Il répond pour cela, d’un alliage mystérieux qui va bien au-delà de nos perceptions et de nos représentations habituelles. Il est en réalité, un alter Christus, un autre Christ, de par sa configuration au Christ Tête-serviteur, Pasteur et Epoux de l’Eglise[1], le jour de son ordination. Il entretient dès lors, avec l’Eglise, un rapport vital et sponsal qui induit un amour exclusif et un dévouement passionné à l’instar du Christ qui a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle[2]. Voilà le mystère du prêtre qui échappe ici-bas à lui-même. Saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d’Ars, disait que le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel.[3]

Avec un brin d’actualisation, le Père André Quenum, de lumineuse mémoire, présente le prêtre en ces termes fort simples mais profonds : Le prêtre n’est pas une star, une vedette à la manière du héros dans la vision grecque des choses, vision reprise et amplifiée par la culture médiatique contemporaine. Il ne doit jamais l’être. Il est un être ordinaire appelé à un service qui le dépasse selon la vision juive et profondément chrétienne des choses. Il est comme un petit David, un Salomon pécheur, un Joseph vendu, un Saul persécuteur, un Pierre renieur (…) qui, par grâce, répond à l’appel de Dieu pour participer à une histoire plus grande que sa personne. Il n’est pas d’une étoffe rare, d’un humus exceptionnel. Il n’est ni un ange ni un superman. Il est un homme ordinaire à qui Dieu fait confiance pour être le serviteur de sa gloire. C’est si vrai que l’Eglise a pris l’habitude de prier pour le Pape, les évêques et les prêtres.[4]

Il en ressort pour le prêtre lui-même une quadruple exigence de vie : l’humilité et la serviabilité, soigneusement noyautées par la prière et l’amour inconditionnel du Christ et de l’Eglise. Le prêtre est fondamentalement un serviteur humble et passionné de Dieu et de l’Eglise au milieu des hommes. En rupture avec Dieu et l’Eglise, il est vidé de sa substance et de sa consistance pour devenir un morceau de cuivre qui résonne.[5] C’est pour cela qu’il devra prêter l’oreille de son cœur au Christ qui lui demande chaque jour : Prêtre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?[6]  De la réponse quotidienne à cette question d’amour du Christ, le Souverain Prêtre, le prêtre puisera l’énergie nécessaire pour un engagement pastoral total et passionné. Saint Augustin a bien raison de parler du ministère sacerdotal en termes de charge ou de devoir d’amour. Sit amoris officium pascere dominicum gregem, que ce soit une charge ou un devoir d’amour que de paître le troupeau du Seigneur.

Le moins que l’on puisse dire est que l’exercice du ministère sacerdotal est noble et exaltant mais il importe de reconnaître qu’il est parfois, pour ne pas dire souvent, arrosé par les larmes du cœur du prêtre que seul Dieu saura recueillir en ses outres[7] pour les reverser en son temps, au compte de son salut. Aujourd’hui comme autrefois, les soldats de Satan ne dorment pas et montent de manière répétée à l’assaut de la forteresse du ministère sacerdotal pour s’en emparer et surtout pour la profaner. Ils ont pour noms, le découragement, la dissipation, l’impiété et les mondanités. Contre eux, le prêtre dispose d’une arme létale et fatale, la culture de l’intériorité faite de contemplation, de prière, de pénitence et d’ascèse qu’il devra prioriser envers et contre tout pour sécuriser son ministère sacerdotal.

De tout ce qui précède, il ressort pour le fidèle quatre implications fondamentales :

  • Le respect. Le prêtre mérite respect en toute circonstance, non pour lui-même, mais à cause du grand mystère dont il est porteur. Pour avoir simplement critiqué Moïse, le serviteur de Dieu, Myriam fut punie de la lèpre[8] (Nb 12,10). Même au plus fort de son conflit avec Saül qui était déterminé à lui ôter la vie, alors que le Seigneur avait livré ce dernier entre ses mains, David s’écria : Que le Seigneur me préserve de faire une chose pareille à mon maître, qui a reçu l’onction du Seigneur : porter la main sur lui, qui est le messie du Seigneur (1Sam 24, 7). Saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d’Ars va plus loin quant au respect dû au prêtre : Si je rencontrais un prêtre et un ange, je saluerais d’abord le prêtre avant de saluer l’ange. Celui-ci est l’ami de Dieu, mais le prêtre tient sa place.[9]
  • Le soutien spirituel. Le prêtre porte un grand mystère dans un vase fragile. Ce n’est donc pas anodin si l’Eglise mentionne presque deux fois, le Pape, les Evêques, les prêtres au cours de la messe. Il revient aux fidèles de former une solide chaîne de prière, de se constituer en un puissant bouclier spirituel autour du prêtre pour le protéger et l’appuyer constamment dans le combat spirituel qu’il doit mener au quotidien.
  • L’assistance psychologique et matérielle pour que Satan et ses suppôts ne profitent pas de ses moments de manque pour le tenter et le traîner hors de sa mission. Au désert, le Tentateur s’approcha, la première fois, de Jésus pour le mettre à l’épreuve, quand ce dernier eut faim après quarante (40) jours et quarante (40) nuits de jeûne.[10]
  • La non-collaboration et la non-implication dans toute situation pouvant compromettre à court, moyen et long termes, le ministère d’un prêtre. Car le sévère avertissement du Christ en Mt 18, 6 pourrait s’appliquer aussi au prêtre : Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer.[11]

En clair, malheur et malheur à celui ou à celle qui facilite ou occasionne la chute d’un prêtre !

[1] JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis sur la formation des prêtres dans les circonstances actuelles, Rome, 1992, n°23.

[2] Eph 5, 25.

[3] Voir Abbé NODET dans Jean-Marie Vianney, curé d’Ars. Sa pensée, son cœur. Le Puy-Paris, et Le Curé d’Ars sous la foi du serment. Le Puy-Paris.

[4] André QUENUM, « Prière pour les prêtres », in Les éditos du Père André S. QUENUM, Tome 3, n°1199 du 7 juin 2023, p. 138.

[5] 1Co 13, 1.

[6] Cf. Jn 21, 15.

[7] Cf. Ps 55, 9.

[8] Cf. Nb 12,10.

[9] Voir Abbé NODET,  Ibidem.

[10] Mt 4, 2.

[11] Mt 18, 6.

 

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

Diocèse de Porto-Novo